Scenari : la gestion et la production de contenus numériques à l'infini

portrait de Stéphane Crozat

Enseignant-chercheur à l'Université de Technologie de Compiègne, Stéphane Crozat est co-inventeur de l'environnement de conception de chaînes éditoriales Scenari et responsable de la communauté des utilisateurs de Scenari : scenariplatform.org.
Auteur du livre Scenari - La chaîne éditoriale libre, paru aux Editions Eyrolles, dans la collection Accès libre, il nous présente les spécificités et les avantages de ce système.

Scenari est défini comme un système de gestion de chaînes éditoriales. Qu'entend-t-on par chaîne éditoriale ? Quelles sont les différentes composantes de cette chaîne ?

Stéphane Crozat : Une chaîne éditoriale est un logiciel permettant de créer des contenus multimédia et de les publier sous différentes formes : document imprimable, site Web, diaporama, etc.

Pour produire nos contenus nous sommes aujourd'hui habitués à utiliser les suites bureautiques, telles que Microsoft Office ou OpenOffice.org.
Les suites bureautiques s'inspirent du principe de la machine à écrire : l'utilisateur compose son document en élaborant à la fois le contenu du message (par exemple le texte) et sa mise en forme : les mots en gras, les sauts de page, etc.
La chaîne éditoriale offre une alternative, une autre façon de faire. Elle s'inspire des procédés de production professionnels, en séparant la création du message de la façon de le publier.

La chaîne repose sur trois éléments essentiels :

Quels sont les principaux avantages de ce système ? En quoi se distingue-t-il des CMS (Content Management System) comme SPIP ?

S.C. : Les avantages principaux de la chaîne éditoriale sont :

La différence entre une chaîne éditoriale et un CMS est la même qu'avec une suite bureautique. Les CMS Web, comme SPIP, proposent une rédaction directement dans le format final de lecture (le HTML en l'occurrence) tandis que la chaîne éditoriale propose d'écrire dans un format XML "sémantique" qui est ensuite transformé en format "physique", comme le HTML pour le Web ou le PDF pour l'impression.

Les CMS ne s'inscrivent donc pas facilement dans le multisupports et la réutilisation du contenu pour plusieurs usages. Le document rédigé ne pourra être publié que sur un site Web, seulement au format HTML.
De plus la réalisation de supports avancés, comme la webradio ou les supports de cours interactifs par exemple, reste très délicate.

Technologiquement le CMS repose principalement sur le paradigme de la feuille de style (comme CSS), tandis que la chaîne éditoriale utilise également le principe de la transformation (comme XSLT) d'une source XML en une cible X ou Y (ce qui ouvre un horizon fonctionnel beaucoup plus large).

Quels sont les pré-requis nécessaires pour utiliser Scenari et faire, comme présenté p. 73 de votre livre, sa propre webradio ?

S.C. : En fait, il n'y a pas vraiment de pré-requis, si ce n'est être prêt à changer un peu ses habitudes de travail par rapport aux habitudes prises avec la bureautique.
Le plus dur n'est pas tant d'apprendre à utiliser une chaîne éditoriale Scenari que de désapprendre à utiliser son traitement de texte favori !

Pour faire sa webradio, par exemple, il est nécessaire de connaître quelques éléments périphériques à la chaîne : enregistrer du son, gérer des fichiers ou mettre un site en ligne. La partie Scenari proprement dite ne pose pas de difficultés.

Comment définir ses propres modèles de documents ? Quelles sont les connaissances requises ?

S.C. : Autant la création de contenu dans le cadre d'un modèle existant est accessible à tous, autant la création de nouveaux modèles est plus exigeante.

Le modèle est en effet la partie qui contient toute "l'intelligence" de la chaîne, la structure des documents, les modalités d'organisation, les formats de publication, etc.

Les "modélisateurs" (c'est avec ce terme "barbare" que nous désignons ceux qui savent créer des modèles Scenari) ne sont pas forcément des informaticiens, mais ils sont très à l'aise avec un ordinateur, et ont en général une certaine expérience des technologies Web.

Une formation de quelques jours est aujourd'hui nécessaire pour devenir modélisateur. Notons néanmoins que pour modifier un modèle existant (c'est-à-dire le mettre à sa charte graphique par exemple), et non pas créer quelque chose de tout à fait original, l'investissement est beaucoup plus léger, et un "bricoleur" peut s'en sortir tout seul.

Est-il facile d'installer Scenari ?

S.C. : C'est trivial, les logiciels ont été packagés selon les standards en vigueur sous Windows, Mac et Linux. C'est donc aussi facile que d'installer une suite bureautique !

La structure des documents produits est-elle plus optimale pour un référencement naturel ?

S.C. : Si vous parlez d'un référencement sur le Web, en effet. Le fait que les contenus soient structurés en amont et qu'il respectent un modèle assure une indexation a priori, alors qu'avec les approches traditionnelles, l'on a plutôt tendance à rechercher la structure d'origine a posteriori.

En fait un document XML produit avec une chaîne éditoriale contient beaucoup plus d'informations "explicites" qu'un document directement écrit en HTML : on saura que tel bloc est un exemple, que cet exemple se réfère au bloc précédent qui est une définition, que ces deux blocs sont dans une partie qui est une introduction d'un chapitre d'un rapport de type technique, etc.

On sait beaucoup plus de chose qu'avec les classiques "titre de niveau 1" ou "mot important". Et ces informations pourront bien entendu être exploitées pour indexer le contenu automatiquement (voire même créer plusieurs indexations avec des angles de vue différents en fonction des objectifs de recherche).

Notons que l'enjeu de l'accessibilité, comme celui de l'indexation, trouvera une réponse plus adaptée avec les contenus structurés en XML : plutôt que de chercher après coup à "retailler" un contenu pour qu'il soit accessible, on utilisera la sémantique disponible pour créer des formats de publication intégrant directement les contraintes de l'accessibilité.

Quelles seront les prochaines évolutions de Scenari ? Comment suivre ou participer à ces évolutions ?

S.C. : La prochaine version (Scenari 4) est depuis pas mal de temps dans la tête de Sylvain Spinelli, l'architecte en chef de Scenari. Un des objectifs fonctionnels de cette version serait d'améliorer la gestion de la réutilisation en introduisant des mécaniques de surcharge des fichiers XML.
Aujourd'hui, je sais dire où tel morceau de contenu est utilisé dans Scenari. Mais je dois le réutiliser tel quel. L'enjeu est donc de pouvoir dire que l'on réutilise tel morceau, sauf ce bloc là et avec ce bloc là en plus.
Ce type de fonction est essentiel pour certains usages, comme la gestion des connaissances. Mais en attendant, une version 3.4 est déjà en cours de réalisation, pour optimiser la version actuelle.

Pour le reste, nous allons accélérer des chantiers transverses comme la documentation technique, qui devrait avoir avancée significativement pour la fin 2007 et l'internationalisation, qui a déjà commencé grâce à un partenariat avec l'université de Brigham, Utah (ScenariDiscovery et le site Web de scenari-platform ont été partiellement localisés en américain). Des pistes sont ouvertes avec le Brésil et l'Espagne, et nous sommes ouverts à toutes les autres propositions.

Pour suivre toutes ces évolutions, il faut se rendre sur le site http://scenari-platform.org et s'inscrire à la lettre d'information (en envoyant un mail à announce-subscribe@scenari-platform.org). Bien sûr, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues, concernant la documentation, l'internationalisation, les remontées de bugs, les évolutions des modèles, etc. (se manifester sur les forums ou sur contact@scenari-platform.org).

Mais une de nos priorités pour 2007 reste de continuer à faire connaître Scenari et les chaînes éditoriales, et donc une autre bonne façon de nous filer un coup de main en ce moment est d'utiliser Scenari et de le faire savoir !

Propos recueillis par Laetitia Maraninchi.