Interview de Matthieu Dupont de Dinechin

Blender 2.6, 3D pour l'architecture

À l'occasion de la sortie de son livre Blender 2.6 : 3D pour l'architecture, dans la collection Accès libre des Éditions Eyrolles, Matthieu Dupont de Dinechin, architecte passionné de logiciel libre et formateur Blender certifié par la Blender Foundation nous explique en quoi ce logiciel libre de 3D a toute sa place sur le poste de travail de l'architecte - et pas seulement en raison de sa gratuité !

 

Les architectes utilisent des logiciels spécialisés en architecture (CAO ou BIM) comme AllPlan, ArchiCAD, Revit, Vectorworks ou encore AutoCAD. Qu'apporte un logiciel de 3D comme Blender en agence ?

Matthieu Dupont de Dinechin : Ces logiciels sont efficaces (enfin, plus ou moins, pour être franc) dans ce pourquoi ils sont conçus, à savoir le dessin de projets relativement standards dans les formes, et la production des documents nécessaires à l'architecte (coupes, façades, métrés pour certains). En dehors de ce cadre, ils sont très limités. Un logiciel comme Blender ne possède pas d'outils spécifiques au bâtiment (générateur de portes ou d'escaliers, par exemple) ; il est par contre autrement plus puissant et souple dans les formes qu'il peut aborder et dans les images qu'il peut produire. Une fois que vous le maîtrisez, vous n'êtes jamais limité par l'outil. Blender ne va donc pas remplacer ces logiciels, il vient en complément.

 

Il existe déjà plusieurs logiciels de 3D bien implantés chez les architectes (Cinema4D, 3ds max...), sans parler de l'engouement pour Google SketchUp ces dernières années. Pourquoi alors utiliser Blender ?


Photo du livre

M. D.D. : Blender est libre et gratuit, et il tourne sur toutes les plates-formes (Linux, Mac OS et Windows). En pratique, vous pouvez avoir autant de postes avec Blender que vous le voulez dans votre agence, en toute légalité. Et vous aurez toujours la dernière version gratuitement. Si vous êtes étudiant, en sortant de l'école, vous n'aurez pas à utiliser une version pirate en attendant d'avoir les moyens, et quel que soit votre employeur, vous pourrez l'utiliser dans son agence. Le format étant libre, documenté et multi-plate-forme, cela assure une certaine pérennité de vos données de projet. Par ailleurs, tout a été pensé pour la productivité, ce qui explique l'interface souvent déroutante au début. Cette interface est entièrement personnalisable en fonction des besoins, ce qui permet de ne garder que les outils que vous utilisez réellement sur un projet.

De nombreux utilisateurs passés par d'autres logiciels ne veulent plus utiliser autre chose, et pas à cause du prix. Sa grande stabilité est aussi très reposante. Ce qui peut lui manquer par rapport à certains ténors de la 3D ne concerne finalement pas les utilisations dans le domaine de l'architecture, pour lesquelles il possède tous les outils nécessaires, l'efficacité et la liberté en plus.

La comparaison avec SketchUp est plus délicate. Ce dernier est génial pour son interface ultra intuitive et sa facilité de prise en main. Pour des petits projets avec des formes relativement simples et des besoins en rendus limités, SketchUp sera parfait et permet d'être très rapidement efficace. Mais dès qu'on veut aller plus loin, on se retrouve limité par le logiciel et on se tournera avantageusement vers Blender. Nombreux sont ceux d'ailleurs qui utilisent les deux conjointement.

 

Vous êtes architecte indépendant : quels logiciels (Blender inclus) utilisez-vous dans vos projets professionnels ? Pour quels besoins ?


Photo du livre

M. D.D. : J'utilise Blender à peu près à toutes les étapes (esquisse rapide, exploration de formes, ajout de détails aux modèles d'ArchiCAD, rendu de perspectives, conception technique) . Pour les plans, coupes et façades, ainsi que les descriptifs, j'utilise ArchiCAD, seul logiciel propriétaire de mon poste de travail, que je fais tourner avec VirtualBox (en attendant que FreeCAD évolue assez pour que je puisse le remplacer).

Pour les retouches d'images, les insertions de rendus sur des photos, Gimp convient parfaitement à mes besoins. Mes mises en pages, et certains croquis et schémas sont faits avec Inkscape. Pour des croquis à main levée, j'aime beaucoup MyPaint. Je fais des simulations thermiques dynamiques de certains de mes projets avec Esp-r, logiciel libre de calcul thermique, dans le même esprit que Blender (pas évident à prendre en main, mais redoutablement efficace), mais en pire.

LibreOffice me sert bien sûr pour toute la bureautique, et les pièces écrites. Ma comptabilité est faite avec TerCompta. Je gère les sauvegardes de mes projets et la synchronisation de mes ordinateurs avec Unison. Tous ces logiciels tournent sur un système GNU/Linux (Ubuntu).

 

Avez-vous remarqué une différence dans votre façon de travailler depuis que vous utilisez Blender ?


Photo du livre

M. D.D. : Oui, je supporte beaucoup moins les interfaces lourdes et mal conçues. Plus sérieusement, sur certains projets, je fais la conception (que ce soit des détails techniques ou des formes conceptuelles) directement en 3D. La rapidité et la souplesse d'utilisation permettent d'explorer des formes inimaginables avec d'autres outils.

Par ailleurs, Blender m'a fait découvrir le logiciel libre, et tout ce qui va avec (philosophie, communautés, culture libre), et ça, ça a changé beaucoup plus que ma manière de travailler.

 

Vous donnez également des cours en école d'architecture sur ce logiciel : cela signifie donc que Blender s'implante de plus en plus dans la communauté des architectes ? A-t-on une idée du nombre d'architectes qui l'utilisent ?

M. D.D. : Je suis incapable de vous dire combien d'architectes l'utilisent, mais il y en a de plus en plus qui viennent aux ateliers et conférences que je donne. Les logiciels de 3D sont de plus en plus utilisés en agence, et le coût prohibitif des licences (pour un outil qui n'est pas l'outil principal des architectes) est un des premiers arguments entendus pour le choix de Blender.

 

Outre les architectes et étudiants en architecture, à qui d'autre votre ouvrage s'adresse-t-il ?

M. D.D. : Le marché de la représentation architecturale concerne de nombreux acteurs (dessinateurs-projeteurs, graphistes freelance, agences de graphisme, promotion immobilière). Dans le domaine des jeux vidéo aussi, le travail sur les décors et l'environnement est un aspect important. Les designers trouveront aussi dans cet ouvrage des approches intéressantes pour mettre en forme leurs idées et en fournir des visuels intéressants. Enfin, tous les passionnés de 3D pourront découvrir Blender grâce à cet ouvrage qui permet à un débutant de prendre en main le logiciel avec une approche originale.

 

En quoi est-il complémentaire du livre de référence " La 3D libre avec Blender"d'Olivier Saraja ?

M. D.D. : Cet ouvrage, tout en abordant les bases de Blender, permet d'aller plus loin dans des techniques spécifiques concernant la réalisation de bâtiments et de scènes architecturales. Il répond à de nombreuses problématiques courantes par des exemples pratiques, cherchant toujours à montrer quelles sont les applications concrètes possibles de chaque outil. Il est moins généraliste que l'ouvrage d'Olivier, n'abordant pas certains outils peu utilisés dans le domaine de l'architecture, mais en allant plus en profondeur sur d'autres aspects.

 

Vous pouvez retrouver l'auteur sur son site :
Atelier Viralata : architecture écologique, Blender et logiciels libres
www.viralata.fr

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